Confédération des Associations des Producteurs Agricoles pour le Développement

La déclaration des OP du Burundi

 PREAMBULE

En date du 4 au 5 Novembre 2009 s’est tenu à Bujumbura, un Forum National des Organisations des Producteurs agricoles du Burundi centré sur la recherche d’un consensus sur les priorités du secteur et l’interpellation des décideurs actuels et futurs pour qu’ils en prennent compte dans leurs politiques et stratégies de développement.

La tenue de ce Forum est l’aboutissement d’un long processus piloté par les organisations des producteurs agricoles : CAPAD, CNAC, APROPABU, CAPRI, Fédération des Théiculteurs de Cibitoke et Urunani rw’Abarimyi b’ipampa mu ntara ya Cibitoke et qui a franchi les étapes suivantes :

• L’éveil de la conscience des leaders des Organisations des Producteurs agricoles sur les politiques agricoles ; • La documentation et l’analyse critique de la Stratégie Agricole Nationale et les engagements pertinents auxquels le Burundi a souscrit en particulier la Déclaration de Paris et celle de Maputo ; • L’organisation des ateliers consultatifs provinciaux avec les leaders des organisations paysannes, les cadres et techniciens des Directions Provinciales de l’Agriculture et de l’Elevage et les représentants de l’Administration provinciale ; • L’organisation d’un atelier régional regroupant les Organisations des Producteurs agricoles du Burundi, de la République Démocratique du Congo et du Rwanda pour échanger sur les expériences et initier des cadres de coopération à l’échelle sous-régionale.

Au cours de cet itinéraire soutenu par des Organisations investies dans « l’empowerment paysan » comme ACORD, ADISCO, AFJB, CAPAD, CONSEDI, FORSC, INADES-Formation, OAG, OAP, les participants ont fait certains constats et ont conscience que le monde agricole vit des moments cruciaux de son histoire.

Au cours des échanges, il a été constaté que le secteur agricole fait vivre plus de 90% de la population, participe à plus de 50% du PIB et procure au pays plus de 80% des recettes d’exportation. Comme on ne se développe qu’à partir de ce qu’on a, la priorité du secteur se passe de tout commentaire.

Les organisations apprécient la concertation des donateurs du secteur agricole en vue d’une efficacité de l’aide conformément au prescris de la déclaration de Paris mais regrettent que beaucoup de principes et valeurs promus à travers les engagements internationaux et les stratégies nationales restent au niveau du discours et tardent à être traduits dans la pratique.

En outre, les organisations de producteurs agricoles notent avec satisfaction que le gouvernement a souscrit à des engagements internationaux afin de prendre des mesures concrètes et efficaces pour alléger la souffrance de la population.

Les engagements pris à travers les diverses déclarations participent à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement dont le principal est de « réduire de moitié entre 1990 et 2015, la proportion des personnes qui souffrent de la faim, mesurée en termes de proportion d’enfants de moins de cinq ans ayant un poids insuffisant ».

A l’instar de la Déclaration de Paris, la Déclaration de Maputo sur l’Agriculture et la sécurité alimentaire arrêtée lors de la session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement tenu à Maputo du 10-12 juillet 2003, revient sur l’importance de la participation mais apporte une innovation historique en engageant dans sa résolution 3 les pays signataires à consacrer au moins 10% du budget national à la mise en œuvre de leurs politiques agricoles.

 PREOCCUPATIONS MAJEURES

Six préoccupations majeures sont identifiées par les organisations des producteurs agricoles :

1. Le financement agricole

Il a été noté que le budget de 3,6% alloué au secteur agricole est de loin inférieur à celui prévu dans les engagements de MAPUTO. Les organisations de producteurs déplorent en outre que même les maigres financements alloués au secteur ne soient pas utilisés et s’interrogent sur les déficits institutionnels à l’origine de cette situation. Les autres problèmes liés au financement du secteur sont les suivants : l’absence des produits financiers adaptés aux petits exploitants, le taux d’intérêts très élevé et la garantie exigée par les micro finances, l’absence des banques agricoles, etc.

2. Le Rôle et la place du mouvement paysan dans le développement

Les participants relèvent que le mouvement paysan n’est pas suffisamment accompagné par le pouvoir public. Par ailleurs, il n’existe pas de cadre légal approprié des organisations des producteurs agricoles au Burundi. 3. L’accès aux intrants (engrais et semences) Les principaux problèmes identifiés par les participants sont les suivants : la non disponibilité des intrants agricole et d’élevage en qualité et en quantité suffisante et à temps, les taxes élevées sur l’importation des intrants, le non contrôle de la qualité des intrants distribués au niveau local, la non maîtrise de l’utilisation des intrants, le coût élevé des intrants et le faible pouvoir d’achat des producteurs agricoles, le manque de cartes pédologiques actualisées.

4. La sécurisation foncière

Sous ce point les participants tiennent à mettre en exergue les problèmes suivants : les politiques foncières viennent d’en haut et ne tiennent pas compte des aspirations des producteurs agricoles, l’obtention des titres fonciers suit de longues procédures parfois budgétivores ; l’expropriation des concessions des pauvres au profit des riches et firmes internationales.

5. L’adhésion des parties prenantes

Les organisations relèvent que quasiment toutes les stratégies sont plutôt orientatives et dressent une liste de desiderata, de propositions d’idées et de projets sans concertation préalable. Elles ne pourront dès lors réussir que si elles reflètent une ambition commune et une vision à long terme du développement durable avec des objectifs clairement identifiés. Elles doivent garder un haut niveau de reconnaissance, d’appui des gouvernements successifs, des partis politiques, de la société civile et des ONG’s.

6. La Gouvernance institutionnelle dans les Ministères de tutelle

Les organisations des producteurs notent qu’il subsiste un manque d’engagement politique à haut niveau et des institutions influentes pour conduire le processus de modernisation du secteur agricole. Il y a entre autre une déficience des structures de gouvernance et un manque de capacités d’encadrement du monde rural.

 RECOMMANDATIONS

Face à ces préoccupations, les organisations des producteurs agricoles formulent les recommandations suivantes : A. Au gouvernement

1/ D’accorder au moins 10% au secteur agricole dès la loi des finances 2010 et prévoir un rythme de décaissement et des procédures répondant aux besoins des saisons agricoles cela pour éviter de rater des saisons à cause des lourdeurs bureaucratiques. Il faudrait garantir une affectation équitable des ressources aux sous-secteurs et concentrer plus de moyens à l’investissement qu’au fonctionnement : a)Les investissements directement productifs à 60% du budget et le montant serait réparti par province au prorata de la population : Subventionner les intrants stratégiques, le repeuplement du cheptel et mettre en place une politique claire d’approvisionnement. On ne le dira jamais assez l’agriculteur burundais n’est pas en mesure de payer le coût de la semence commerciale où accéder avec ses moyens actuels aux intrants d’origine industrielle en quantité suffisante et répondant aux normes recommandées. L’application de la Déclaration de Maputo et d’éventuelles mesures supplémentaires aboutiront sans aucun doute à aligner le prix maximum de toutes les semences à 300 BIF/kg et celui des engrais à 400 BIF/kg. Concernant le repeuplement du cheptel, l’objectif est de doter d’ici cinq ans au moins un bovin/ménage à tous les exploitants d’au moins 50 ares et au moins trois chèvres ou un porc aux exploitants de dimension inférieure.

b)Au regard de l’importance de l’innovation institutionnelle, 30 % du budget serait allouer au fonctionnement du Ministère de l’Agriculture et au soutien des organisations paysannes : il convient de ne pas perdre de vue que le pays vient juste de sortir de la guerre et que les leaders fermiers et les élites agricoles n’ont pas encore eu le temps de se ressourcer intellectuellement pour défendre des positions gagnant gagnant dans un environnement marqué par une mondialisation irréversible et une lutte internationale pour le contrôle des ressources. Les forces intéressées par la conquête des réservoirs d’enrichissement n’hésitent pas à exploiter cette situation en téléguidant des réformes pour se servir. Il est plus que nécessaire de promulguer une loi sur les organisations des producteurs agricoles et leur apporter un soutien technique et financier ; créer un cadre de dialogue permanent avec les organisations des producteurs en les impliquant dans le processus de planification et dans la prise de décisions ; tenir des réunions formelles en début de chaque campagne agricole.

c)La constitution des stocks de sécurité absorberait 10% du budget et l’usage des méthodes biologiques et qui assurent une conservation sur plusieurs années est à privilégier : le changement climatique et ses conséquences sont régulièrement vécus et de façon amère. En témoignent les sécheresses, les inondations et les famines qui s’ensuivent. Il convient pour cela de prendre toutes les mesures pour réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide d’urgence qui étant donné que cette dernière arrive souvent après la tombée de la pluie comme disent les burundais.

2/.L’instabilité des carrières au niveau du Ministère de l’Agriculture et de l’élevage ne fait qu’aggraver la situation et compliquer la mise en œuvre des choix opérationnels. Il est plus qu’urgent de mettre en place des secrétariats permanents dans les Ministères qui ne soient pas tributaires des changements de gouvernements pour assurer la continuité et la durabilité. En outre, il faudrait renforcer les DPAE en leur octroyant les ressources financières et humaines adéquates 3/ Promouvoir un dialogue sur le foncier en vue de faciliter l’émergence des lois relatives aux questions foncières dans le souci d’assurer la paix sociale et sécuriser l’exploitant. Il convient pour cela de s’atteler à l’harmonisation des lois et coutumes et instaurer un système peu coûteux de cadastre.

4/ Bâtir un cadre institutionnel qui consacre une gouvernance « producer driven » surtout au niveau des filières offrant un grand potentiel d’enrichissement en prenant toutes les mesures pour qu’une part représentative de la production, au moins 70% soit contrôlé par le producteur jusqu’au marché y compris pour les produits destinés au marché international. Les pays qui ont opté pour cette politique ont bâti des filières compétitives et élargi durablement le pouvoir d’achat des producteurs construisant ainsi une paix sociale durable. La gouvernance « buyer driven » c’est-à-dire la domination des filières par les acheteurs est justifiée par l’accumulation des richesses en aval de la ferme autrement dit une marginalisation de 95% de la population et un étranglement pur et simple du marché intérieur.

B. Aux bailleurs et aux autres intervenants dans le secteur :

Dans leur rôle d’accompagnateur du processus de développement, les organismes bilatéraux et multilatéraux de Coopération pour le développement devraient : 1/ Aider le pays à se doter d’une ambition devant reposer sur un large consensus entre une multitude de parties prenantes autour des valeurs et des objectifs à long terme de la société ; 2/ Favoriser la convergence, la complémentarité et la cohérence entre les différents cadres de planification afin de faciliter la mise en place d’un mode de fonctionnement inter-sectoriel et pluridisciplinaire ; 3/ Coordonner les actions des organismes de développement pour se conformer aux principes de la planification stratégique tout en modulant leurs programmes respectifs (réunions formelles de groupes consultatifs). 4/ Poursuivre la concertation en vue d’une meilleure efficacité de l’aide et s’abstenir de toute conditionnalité contraire aux préoccupations de la présente déclaration

Nous rappelons à tous les burundais et aux partenaires du développement qu’il n’y pas de finances sans agriculture comme il n’y a pas d’agriculture sans finances.

Nous invitons les députés à faire du plan de décaissement évoqué précédemment et de la déclaration de MAPUTO une conditionnalité pour voter la loi des finances 2010.

Fait à BUJUMBURA, le 05 Novembre 2009


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